Renaissance - François Dubois: tableau sur le massacre de la Saint-Barthélémy

(le programme prévoit l'étude de ce tableau, dans le cadre du cours sur les Arts Visuels. Le texte qui accompagne la reproduction est éloquent. Les catholiques sont des monstres, les protestants de pauvres et innocentes victimes)

* * *

Extraits d'une conférence de Benoît Schmitz (2009):


Je voudrais vous montrer un célèbre tableau de François Dubois: Le Massacre des protestants français à Paris, à l'occasion des noces de Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts.


Dubois (1529-1584), peintre protestant. Ce tableau est la représentation la plus célèbre de cet événement.





Femme éventrée, sans doute enceinte. Enfants, femmes, massacrées. Corps dénudés, mutilés, jetés dans la Seine.
Catherine de Médicis, tout en noir, domine une montagne de cadavres:


















Inversion de la Vierge qui recueille les hommes dans son manteau, inversion de cette figure de la protection.
Tout en haut, Charles IX est en train de tirer, pour tuer des protestants. 

Sur le rôle de Catherine et Charles, cette représentation est fausse sur le plan historique. Ce n'est pas Charles et Catherine qui ont organisé le massacre et qui l'ont perpétré. Mais c'est l'image qui va dominer. Surtout que le roi va revendiquer la paternité du massacre, pour une raison simple: le roi craignait de perdre la face. Il a voulu montrer qu'il avait encore toute son autorité dans le royaume. On sait aujourd'hui qu'il a fait ça pour donner le change, ça n'était pas la réalité.

Ce tableau en dit long sur le regard que désormais les protestants porteront sur la monarchie. 


* * *

Le contexte:

Luther - Le protestantisme - Les guerres de religion

Il faudrait rappeler certains points importants pour bien situer l'événement, et éviter de l'absolutiser. Par exemple, le remettre en perspective avec les saccages et massacres perpétrés par les protestants depuis 1562 dans de nombreuses villes. Sans compter le totalitarisme religieux imposé dans les pays ayant viré au protestantisme. Les catholiques français sont évidemment informés des persécutions que subissent les catholiques suisses, allemands, etc., et de celles infligées par la couronne d'Angleterre.

*

Dans l'avant-propos de son Calvin paru en 2009, Aimé Richardt présente un aperçu de la situation des Eglises catholiques allemandes et françaises, fin XV° - début XVI°. 

L'Eglise allemande fin XV°

Puissante, riche, crainte et respectée de tous.

L'immense majorité du peuple est en parfaite orthodoxie et fort pieuse. Les familles prient, le rosaire est récité avec dévotion.
Une grande partie du clergé est aussi pieuse. En pleine période de réforme, après divers abus, les religieux suivent leurs règles avec attention, et se répandent en oeuvres de charité.

Quelques humanistes nient la nécessité d'une Eglise. Dès 1466, quelques personnes dénoncent les indulgences, mettent en doute certains sacrements et divers points (purgatoire, etc.), et affirment que la Bible est la seule source de la foi. 

Des plaintes croissantes montent contre les comportements du haut clergé à qui l'on reproche sa richesse et son manque de piété. De nombreux évêques et abbés se comportent plus en seigneurs féodaux sévères qu'en pasteurs indulgents.

Le nationalisme naissant tolère mal les prétentions de Rome à pouvoir déposer rois et empereurs. Certains papes commettent même des exactions.
Il y a des conflits fréquents entre autorités séculières et ecclésiastiques sur la juridiction des cours civiles et épiscopales.


L'Eglise de France au début du XVI°

A elle aussi besoin de se réformer.
A côté d'une multitude de prêtres pieux, de moines dévots et zélé, de quelques évêques dévoués et préférant la religion à la politique, est apparue, au cours des ans, toute une population de prêtres paresseux et ignorants, de moines paillards et d'évêques infiniment plus intéressés par les biens de ce monde.

L'Eglise de France est moins dépendante de Rome que l'Allemande., grâce au Concordat signé en 1516 entre François Ier et le pape Léon X. Le roi nomme évêques et abbés, le pape se contente de confirmer les nomination. 

Un vent de renouveau commence à souffler. Lefèvre d'Etaples (seule la grâce sauve; le Christ est présent dans l'hostie par sa volonté, pas par l'action du prêtre). Mgr Briçonnet réforme son diocèse (Meaux, 1516) tout en restant orthodoxe, il introduit le français dans la liturgie. Il fait prêcher le retour à l'Evangile.

Rapide diffusion des idées de Luther. Des protestants fanatiques brisent le développement paisible des idées de réforme. 
François Ier tolère la propagande protestante tant qu'elle ne produit pas de désordres sociaux. Sa foi catholique ne semble pas en tout conforme à l'orthodoxie.
La révolte des paysans allemands (1525) change la donne. Le roi l'attribue avec raison au développement des idées luthériennes. Il demande aux évêques d'éliminer le mouvement luthérien en France, et encourage la lutte contre l'hérésie.
En même temps, il maintient des relations courtoises avec les protestants allemands, pour contrer son ennemi juré Charles Quint. Il prépare une alliance avec eux.
En 1534, des protestants fanatisés affichent des pamphlets extrêmement violents à Paris, Orléans, et jusque sur la porte de la chambre du roi, à Amboise. Le roi est furieux et ordonne l'emprisonnement de tous les suspects de protestantisme. Une vingtaine furent brûlés en quelques mois. 

* * *

Un épisode des guerres de religion en France: La Saint-Barthélémy (août 1572)

Charles IX, Catherine de Médicis, Michel de l'Hospital, ont tenté d'établir la concorde et la paix. C'est très mal reçu par les catholiques les plus intransigeants. 
Pour tenter de consolider cette paix, Catherine de Médicis va marier sa fille Marguerite de Valois (la reine Margot) à un prince protestant, Henri de Navarre, fils de Jeanne d'Albret. C'est le futur Henri IV.

Ce mariage a lieu à Paris, le 18 août 1572. 
Dans la capitale, où les passions et inquiétudes des catholiques sont très vives. Ville à majorité catholique. Pour ce mariage, viennent les princes protestants. Leur présente scandalise les catholiques.
Henri se marie sur le parvis de ND. Ensuite il y a une messe, Henri n'y va pas, parce que protestant. Cela scandalise.
Dans ce climat, se produit un événement détonateur: attentat manqué contre l'amiral de Coligny, un des chefs protestants. 22 août 1572. On ne sait pas bien qui l'a commandité; il a raté. Dans le climat très tendu, cela ravive les soupçons de tous côtés. Chez les huguenots, on pense à un complot anti-protestant. Chez Charles IX, crainte de la réaction protestante après cet attentat manqué. Chez les cathos alliés à l'Espagne: soupçon à l'égard des protestants, et du roi: va-t-il enfin rompre avec les hérétiques.
Ville en ébullition. Tout le monde a peur que l'autre frappe en premier.

Evénement non encore très clarifié. Après le 22 août, une décision a été prise par le conseil entourant le roi d'éliminer les principaux chefs huguenots, en profitant de leur présence à Paris. Coligny est tué le 24 août, ainsi que d'autres chefs protestants. Cette exécution limitée sera considérée par le peuple catholique de Paris comme le signal d'un massacre généralisé, ils se sont dit: le roi a enfin décidé d'en finir. Le massacre se produit d'une manière anarchique, jusqu'au 29 août, dans le cadre d'une angoisse très forte des catholiques.
Il y aura des répliques en Province, dans les villes catholiques; 10.000 victimes, et beaucoup d'abjurations.
La St-Barthélémy met un coup d'arrêt à l'expansion du protestantisme, et lui ôte beaucoup de ses moyens.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire