Enseigner le Moyen Age
Philippe CONRAD
9 Mai 2009 -
ILFM - 68'30"
Se présente:
historien généraliste; a travaillé sur des questions / MA,
notamment ibérique.
Ne parlera
pas de technique pédagogique, car pas de compétence en la matière.
Abordera des
thèmes qui font polémique.
=> Faire
le point sur ces questions.
Annonce du
plan
- Visions
successives du MA (Moyen Age)
- Débat
relatif / dates de la période
- Image
misérabiliste
- Société
féodale
- Croisades,
catharisme, inquisition
- Femme et
condition féminine
- Procès
d'obscurantisme fait à cette période
(j’ai
ajouté en bleu diverses remarques, dates, définitions)
1 - Visions successives........... 2
2 - Définition de la période........... 2
3 - Image misérabiliste........... 3
4 - La féodalité........... 4
5 - Les croisades........... 5
6 - Le Catharisme........... 7
7 - L'inquisition........... 8
8 - La condition féminine........... 10
9 - Le procès en obscurantisme........... 11
1 - Visions successives
Pendant très longtemps, la période est
considérée, à la faveur du renouveau de la Renaissance, comme barbare.
L'épithète gothique a une valeur dévalorisante.
Aux Lumières, le MA est assimilé par les
philosophes au fanatisme, à l'obscurantisme. Dénoncer cette période, comme
dénoncer l'époque byzantine, pour Voltaire, est participer à la lutte contre
l'infâme qu'il convient d'écraser. Faire table rase du passé.
Tendance qui se confirme à la Révolution.
Réaction très puissante avec l'époque
Romantique.
Cela commence en Angleterre, avec les contes d'Ossian,
de James McPherson.
Rôle joué par Chateaubriand, dans Le Génie
du Christianisme, puis Les Martyrs, dans cette relecture positive du
MA.
Le roman historique contribue largement à cette
réhabilitation: ND de Paris de Victor Hugo, ouvrages historiques d'un
Walter Scott.
Redécouverte du patrimoine monumental, très
longtemps saccagé (Cluny, Jumièges); réaction incarnée par Mérimée; par l'œuvre
restauratrice, même si controversée, d'un Viollet-le-Duc.
La peinture redécouvre le style troubadour
(plus en Angleterre).
Création de l'Ecole des Chartes, sous la
Restauration.
Histoire érudite se met en place, avec des
pionniers tels qu'Augustin-Thierry (ses récits des temps mérovingiens ou son
récit de la conquête de l'Angleterre par les Normands).
Le courant romantique pousse à une redécouverte
de la période. Avec des exagérations et contre-sens, par ex. la vision de
Michelet (vision épique, messianique du peuple Français).
Une régression se manifeste au tournant
XIX°-XX°, à l'époque des grands succès politiques de l'idéologie
anticléricaliste; le MA et de nouveau assimilé à l'obscurantisme. Vision
partiale, incomplète, largement anachronique.
La réhabilitation vient au XX° avec des auteurs
comme Régine Pernoud, Georges Duby, Jacques Le Goff (L'Europe est-elle née
au MA?); et intérêt renouvelé du grand public. Production littéraire,
artistique, mémorielle: intérêt pour le patrimoine de cette période.
2 - Définition de la période
On se dispute à propos de la limite à appliquer
à cette période d'environ 1000 ans d'histoire.
En amont,
fin de l'Empire Romain d'Occident, 476, quand le Chef Hérule Odoacre (sur Wikipedia, ils disent que les Hérules sont alliés
d'Odoacre, que lui-même est chef des Skires et ministre d'Attila) dépose
le dernier Empereur.
En aval,
ça peut se discuter:
1453: fin de
l'Empire Romain d'Orient, aussi appelé Empire Byzantin.
1492:
découverte de l'Amérique, début d'une nouvelle ère, l'Europe s'apprête à vivre
le premier décloisonnement du monde.
(certains
voient en 1492, par la prise de Grenade, la libération complète de l'Espagne /
islam; fin de la Reconquista)
Ces débats peuvent paraître formels. Le grand
médiéviste J Heers a carrément reposé la question, en particulier résumée dans
le titre de l'un de ses ouvrages Le Moyen Age, une imposture. Ce qu'il
veut nous montrer, cette désignation de ce millénaire d'histoire est très
largement artificielle: on s'est contenté de boucher un trou entre l'Antiquité
et une Renaissance du XVI° dont il juge que sa définition est très largement
artificielle dans la mesure où elle commence dès le XIV°, voire le XIII° dans
une large mesure.
La rupture est bien réelle à la fin de
l'Antiquité, et on entre dans une longue transition qui va du V° au XI° siècle
environ. Transition marquée par un effondrement de l'Occident Romain, on le
sait. Par une remise en place complète des peuples, avec les mouvements
longtemps appelés "les invasions barbares", qui vont amener les
Wisigoths en Espagne, les Francs en Gaule, les Lombards en Italie, etc. Période
marquée par l'échec de la restauration carolingienne. Une régression générale
du fait de l'effondrement du réseau urbain, d'un retour général à la terre et à
la forêt, allant de paire avec effondrement des voies de communications, et
effondrement démographique massif.
Le vrai décollage se situe plutôt autour de
l'an Mil. Oswald Spengler, dans son Déclin de l'Occident, définit les
diverses cultures et civilisations, fait naître la civilisation occidentale
autour de l'an Mil.
La période XI°-XII° serait la phase fondatrice
initiale de la civilisation occidentale telle qu'elle va se développer jusqu'à
la Révolution Industrielle et la Mondialisation.
Objet de
débat, donc.
J. Le Goff a publié aussi un recueil Pour un
autre Moyen Age, il prolongeait la période jusqu'à la Révolution
Industrielle, dans une approche plus anthropologique.
On peut poser la question, confronter des
hypothèses argumentées.
3 - Image misérabiliste
Cette période, on en a donné très souvent une
image misérabiliste. Monde de paysans baignant dans la misère, toujours à la
limite de la famine. Vous avez tous vu le film Le nom de la rose, vous
voyez la condition des paysans qui vivent à proximité du fameux monastère.
Cette image prévaut. Au début du film de Ridley Scott sur les Croisades (Kingdom of Heaven), on avait même un texte de
présentation disant qu'à l'époque, l'Europe est celle de la misère et de la
répression. Vocabulaire surprenant, image tout à fait péjorative. En quittant
le MA, l'Europe aurait accédé à davantage de richesse, de prospérité, de
confort, de sécurité.
Les choses ne sont pas si simples, cette vision
est largement fausse.
Certes, il y a eu l'effondrement de V et VI°
siècles.
Il y a eu l'épisode carolingien, resté assez
superficiel. Restauration politique, extension de la christianisation vers
l'Est. Mais, sur le fond, n'a pas changé grand-chose à la société.
IX°-X°, nouvelle crise du fait de
l'effondrement du pouvoir central. Menaces des nouvelles vagues d'envahisseurs:
Vikings, Sarrasins, Hongrois, etc.
Réveil à partir du XI°, dure près de 3 siècles.
Période marquée par un essor dans tous les domaines.
Essor démographique. Augmentation très rapide,
notamment en France: au moins le doublement. Or, on sait que dans les sociétés
traditionnelles, on a des seuils difficiles à franchir. Et quand on les franchit,
il y a guerres, famines, épidémies qui rétablissent l'équilibre initial. Là, on
a une progression spectaculaire.
C'est lié à une révolution agricole marquée par
les grands défrichements. La forêt représente 45% du territoire, en l'an Mil
=> 30% au début du XIV°.
Activités nouvelles, techniques et moyens de
production nouveaux. Cf La Révolution industrielle du Moyen Age, de Jean
Gimpel. Située au XII°, généralisation du moulin à eau (d'époque
gallo-romaine); progrès des techniques de la construction (lancement des
chantiers des cathédrales); renouveau du commerce, foires dans toute l'Europe;
renaissance du tissu urbain; progrès spectaculaire de la sécurité due aux
réformes introduites-imposées par l'Eglise, telle que la Paix de Dieu;
développement d'un pouvoir royal qui finit par imposer son autorité sur des
espaces territoriaux de plus en plus grands.
Tout cela favorise une renaissance
spectaculaire qui fait de cette période --- jusqu'au XIV°, période plus
difficile, marquée par des guerres: guerre de cent ans ravageant une partie des
pays européen, guerre civile en Espagne, Castille; période de la peste noire
qui tue 1 européen sur 3 entre 1348 et 1360; donc crise du XIV° --- pendant 3
siècles, une période de prospérité remarquable, ce qu'illustre remarquablement
la formule du chroniqueur Raoul Glaber (moine;
985-ap.1047) "et l'on vit alors l'Occident se couvrir d'un blanc
manteau d'églises" « Trois années n’étaient pas écoulées dans le millénaire
que, à travers le monde entier, et plus particulièrement en Italie et en Gaule,
on commença à reconstruire les églises, bien que pour la plus grande part
celles qui existaient aient été bien construites et tout à fait convenables. Il
semblait que chaque communauté chrétienne cherchait à surpasser les autres par
la splendeur de ses constructions. C’était comme si le monde entier se
libérait, rejetant le poids du passé et se revêtait d’un blanc manteau
d’églises. Presque toutes les églises épiscopales et celles de monastères
dédiées aux divers saints, mais aussi les petits oratoires des villages étaient
rebâtis mieux qu’avant par les fidèles. » (citation sur Wikipedia) ce qui était le résultat de cette nouvelle santé
que connaissait l'Occident.
4 - La féodalité
Terme ambigu, porteur d'une connotation péjorative,
nous renvoie à la nuit du 4 août 1789, l'égalité des droits, l'abolition de la
féodalité. En fait, en 1789, il ne s'agissait pas de cela, mais de l'abolition
des droits seigneuriaux.
La féodalité
était un système d'organisation de la société, pyramide de relations d'homme à
homme, sur la base de services mutuels rendus, au sein de l'aristocratie
militaire qui dominait la société de l'époque.
La seigneurie
est un statut particulier de la terre. Il se recoupe en partie avec la
féodalité puisque les services rendus par les vassaux (du gaulois uassos, serviteur:
qui dépend d'un seigneur. Au XIII°; noble dépendant d'un seigneur dont il tient
un fief) à un suzerain (seigneur possédant
un fief, dont relèvent d'autres fiefs) allaient de pair avec la mise à
leur disposition d'un fief (le fief
désigne, durant l'époque médiévale et moderne, un bien ou un revenu immobilier,
le bénéfice, confié en rétribution d'un service noble), d'une terre, sensée leur fournir un certain nombre de ressources en
contre partie du service qu'ils étaient appelés à rendre.
Tout cela s'est assez vite dissocié: le
renforcement de l'Etat central, la fin de l'influence des grands feudataires (Personne possédant un fief, et devant foi et hommage au
seigneur suzerain ).
La lutte contre les grands par le pouvoir
central a assez vite mis un terme à la féodalité, même si le régime seigneurial
a persisté jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Régime seigneurial qui concerne
tout autant les bourgeois qui ont acheté des terres que la petite noblesse
traditionnelle.
Ce système féodal a été décrit par Marc Bloch (La Société Féodale,
Albin Michel, 1994, 710p.) ou Lucien Boutruche, par ex. (je trouve plutôt un Robert Boutruche, sur le sujet),
avant tout système de relation d'homme à homme, qui se constitue dans une
période, après l'échec de l'Empire carolingien, où la faillite de l'Etat
central oblige à s'organiser de manière locale pour assurer la sécurité sur un
territoire donné. Cette espèce de décentralisation généralisée du pouvoir
correspondait à une situation propre à cette époque. Rien de surprenant.
Il ne faut pas lire cette féodalité uniquement
dans une perspective de dénonciation de l'inégalité qu'elle entraînait, c'est
anachronique. Il ne faut pas se placer dans la position d'un Claude Mazauric,
spécialiste de l'histoire de la Révolution, disciple d'Albert Soboul (chef de
file de l'interprétation marxiste de la Révolution), qui nous explique que
refuser le terme de féodalité pour l'Ancien Régime est être réactionnaire, ce
qui évidemment n'a sans doute aucun sens.
Le seigneur que l'on nous présente
généralement, est un seigneur oisif, rentier du sol, se contentant d'exploiter
les paysans qui lui remettent une partie de leur récolte. C'est oublier la
fonction protectrice qu'il est sensé assumer sur l'ensemble des territoires
qu'il domine. De plus, le seigneur n'est pas oisif. L'exploitation des terres
est partagée entre la Réserve Seigneuriale et les Tenures
distribuées aux paysans.
Le terme de serf a une
connotation très péjorative car vient de latin servus (esclave), mais la
situation est tout à fait différente. Ces paysans sont attachés au sol parce
qu'on a besoin d'eux pour cultiver la terre, mais dans la grande majorité des
cas, ils n'ont ni envie ni intention de s'en aller. Ces paysans, attachés à la Glèbe,
peuvent transmettre la tenure, la terre sur laquelle ils travaillent et pour
laquelle ils payent des droits et taxes, ils payent une rente, pour
l'exploitation du sol. Ils ne disposent pas moins d'une très large autonomie,
et cela conduira, en Occident, à la naissance de la petite paysannerie
propriétaire qui aura évidemment sa grande émancipation avec la Révolution, et
constituera le terreau social de l'Europe pendant très longtemps. (D'autre part, le seigneur lui-même est lié à son fief.
Il ne peut en partir à sa guise, il dépend de son suzerain)
Les légendes du genre "droit de
cuissage" relèvent de l'imagination délirante. Des ouvrages très
documentés, parus il y a 10-15 ans, retracent la construction de ce mythe, dans
le contexte de la dénonciation du système féodal en rapport avec la Révolution.
Alain
Bourreau, Le Droit de cuissage. Histoire de la fabrication d'un mythe
(XIIIe-XXe siècle), Paris, Albin Michel, « L’évolution de
l'humanité », 1995, 325 p.
Il y a aussi de paysans qui sont pleinement
propriétaires, cultivant des terres nommées alleux (terre possédée en propriété complète, ne dépendant
d'aucune seigneurie foncière. Mention dans la loi salique. L'alleutier doit la
dîme à l'Eglise, et l'aide militaire au souverain si ce lui-ci est attaqué). Lucien Boutruche a publié une thèse sur les paysans bordelais au
Moyen Age, après la WWII, qui a parfaitement mis en lumière cette réalité (Robert Boutruche.
La crise d'une société. Seigneurs et paysans du Bordelais pendant la
guerre de Cent ans. Paris, Les Belles Lettres, 1947).
On est aux antipodes de l'expression
"nulle terre sans seigneur" que l'on présente comme rendant compte de
la situation à la fin de l'Ancien Régime.
Ces paysans ne sont pas tous attachés à une
terre contrôlée par un seigneur. Au cours du MA, notamment à la faveur des
grands défrichements, un très large mouvement d'émancipation se réalise.
De même que les villes se sont émancipées à
travers le mouvement communal par rapport à l'autorité des évêques qui en
étaient les seigneurs, des terres nouvelles entières ont été exploitées par des
communautés de paysans libres. On en retrouve la trace dans la toponymie, dès
qu'on a affaire à des villes comme Villefranche, Villeneuve, La Ferté, par ex.
5 - Les croisades
Là aussi, charge péjorative considérable des
croisades.
Il faut rappeler que la notion de guerre sainte
s'est d'abord cristallisée dans le domaine islamique. Le djihad a été la
sacralisation de la traditionnelle razzia bédouine. Cette razzia a été le
moteur d'une extension musulmane spectaculaire qui, en l'espace de deux ou
trois générations, a conduit les conquérants arabes et musulmans, à bâtir un
espace s'étendant depuis l'Espagne du Sud jusqu'aux portes de l'Inde et de
l'Asie Centrale.
Face à ce djihad musulman, c'est à Byzance que
se constitue une première fois un concept un peu analogue, avec la dynastie
macédonienne. Période de renouveau pour l'Empire Byzantin, au X°-XI°. Début de
reconquête contre les arabes, notamment en Syrie. La notion de guerre sainte
apparaît, accès au paradis.
Cette idée apparaît aussi en Espagne où se
mènent les combats de la Reconquista, dès le milieu du XI°. La papauté accorde
des indulgences plénières à ceux qui tomberont dans la lutte contre les
musulmans. C'est seulement à la fin du XI°, avec la prédication d'Urbain II,
que va se déclencher la première croisade proprement dite (1095-1099).
Contexte à rappeler
Malgré la conquête musulmane, pendant très
longtemps, les chrétiens avaient pu se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Les
choses se compliquent beaucoup à partir de l'an Mil. A la fois du fait du
fanatisme grandissant des Fatimides d'Egypte, de l'irruption des Turcs
Seldjoukides, battent les Byzantins, créent le sultanat de Roum, s'imposent au
Calife Abbasside de Bagdad. Ils sont beaucoup moins tolérants, si le terme a un
sens à l'époque, vis à vis des pèlerins chrétiens se rendant à Jérusalem.
Ce qui va expliquer en grande partie aussi le
déclenchement de la croisade qui correspond, à la fin du XI° siècle, à cette
nouvelle santé de l'Occident, resté replié sur lui-même alors que les grands
foyers de civilisation se trouvaient à Byzance, Cordoue, Bagdad. L'Occident
carolingien ne donnait pas du tout la même image. Ses villes les plus grandes
comptaient 3000 habitants, il y en avait 100 fois plus dans les grandes
capitales évoquées. A partir du XI°, cette nouvelle santé de l'Occident,
manifestée en amont avec la reprise de la Méditerranée Occidentale du fait de
l'irruption des Normands en Sicile et Italie du Sud, cette nouvelle santé se
confirme avec les expéditions militaires que l'on va appeler les Croisades et
vont aboutir, pour deux siècles, à la création des Etats Latins de Terre
Sainte.
Avec tous les épisodes que l'on sait. Brutaux,
dont le sac de Jérusalem… qui fait écho avec ce qui s'est passé en 1097, quand
les Fatimides d'Egypte ont repris Jérusalem aux Turcs Seldjoukides, il y a eu
un gigantesque massacre de la population, même si le choses se passaient là
entre musulmans (noter aussi que la population de
Terre Sainte est en majorité chrétienne encore à l'époque; à la fin de la
période seulement, le rapport s'est inversé). Et quand Saladin reprendra
la ville de Tibériade en 1187, il laissera partir contre rançon un certain
nombre d'habitants et chevaliers qui s'y trouvaient, mais il y aura également
un massacre de grande ampleur qui sera alors perpétré. La vision unilatérale
qui consisterait à s'indigner des massacres des croisés, en oubliant les
autres, ne rend pas compte de la réalité de ce qu'était la guerre de l'époque.
Ces Etats ont duré jusqu'en 1291, chute de St
Jean d'Acre. Ils n'avaient pas les ressources démographiques pour s'implanter
très longtemps, dans un environnement oriental éminemment hostile.
Ce qu'il est important de rappeler, c'est qu'au
delà de la croisade d'Orient, la lutte se poursuit en Espagne. La situation se
renverse au profit des Royaumes Chrétiens au milieu du XIII°. Le petit royaume
musulman de Grenade sera pris en 1492.
La lutte se poursuit aussi contre ces nouveaux
porte-drapeaux de la cause musulmane que sont les Turcs Ottomans qui ont
conquis l'Asie Mineure, une partie des Balkans dès le XIV°. Cf la fameuse
bataille du Kosovo contre les Serbes (15 juin 1389,
"Champ des Merles"). Ces Ottomans s'emparent de Jérusalem;
constituent une menace permanente au sud de l'Europe, ont conquis la Hongrie au
XVI°. Coups d'arrêt bien connus du siège de Malte (1565) et de Lépante (1571).
Il faudra une véritable reconquête Autrichienne et Russe, le soulèvement des
peuples dominés, au XIX°, pour que cette lutte se termine.
Cette confrontation, choc de civilisations, est
inscrite dans la très longue durée. On ne saurait la réduire au seul épisode
des Croisades. Et le mauvais rôle n'est pas exclusivement à attribuer à
l'Europe Médiévale (en effet !! … les musulmans
n'ont fait qu'attaquer depuis le VII°. Dès
le départ, l'expansion de l'islam se fait par la guerre et la conquête. Syrie
(633), Palestine (638), Egypte (642), Cyrénaïque et Tripolitaine (642).
L'Afrique du Nord aux 350 diocèses chrétiens est attaquée dès 649 mais ne tombe
définitivement qu'en 711. Espagne (714), Provence (719), Bourgogne ravagée en
725,… jusqu'au coup d'arrêt porté par Charles Martel. Attaque de Rome en 846,
prise des Baléares en 902, de la Sicile en 830, de la Crète en 827. Bulgarie,
Serbie et Valachie entre 1389 et 1396. Constantinople en 1453, Grèce en 1456,
Hongrie 1526, invasion de l'Autriche et Vienne assiégée une première fois en
1529, une deuxième fois en 1683).
(35'49")
6 - Le Catharisme
Il y a une matière idéologique qui a été
exploitée de manière diverse.
Il s'agit de l'hérésie albigeoise qui s'est
développée à partir de la moitié du XII° dans le Sud de la France, qui sera
ensuite écrasée par la croisade des albigeois au début du XIII, poursuivie
traquée par l'Inquisition pour disparaître complètement au début du XIV°.
Ce Catharisme devient ensuite un élément et enjeu
de mémoire important. Il sera exploité par les Protestants qui se posent, au
XVI°-XVII°, comme des héritiers des Cathares persécutés avant eux. Ce qu'on a
appelé les Républiques Protestantes du midi vont plus ou moins reconstituer un
lien totalement artificiel et imaginaire avec cet épisode médiéval. Ensuite, ce
catharisme sera récupéré par tout le mouvement occitan, occitaniste, au service
de sa cause. Au début du XX°, dans le midi rouge, à l'époque du père Combes, on
convoque les mannes des cathares défunts pour en faire des victimes du
fanatisme.
Le dossier est lourdement chargé.
L'approche est maintenant très différente, pas forcément
dans le grand public - et c'est aussi une chose qui est exploité localement, ne
serait-ce que dans des perspectives touristiques. Dans la communauté des
historiens, depuis longtemps avec Julien Duvernois (je
trouve Jean Duvernois) ou Michel Roquebert, nous avons eu des synthèses
magistrales. Jean-Louis Biget, Hérésie et inquisition dans le Midi de la
France (2007) Ed Picard; Pilar
Jimenez-Sanchez Les Catharismes: modèles dissidents du christianisme
médiéval (XII°-XIII° siècles) (2008) PU
de Rennes. Ouvrages extrêmement complets.
On a longtemps prétendu que le Catharisme était
une religion étrangère, arrivée de la Perse lointaine, qui trouvait ses racines
dans la manichéisme des premiers siècles de l'Eglise; et qui, à travers
plusieurs étapes, Asie Mineure avec la secte paulicienne, aux Balkans où étape
avec les Bogomils, puis Italie du Nord, et Midi Languedocien où les choses se
seraient pleinement développées au XII°.
Aujourd'hui, on a abandonné ces pistes. On voit
dans le catharisme une dissidence chrétienne avec une dimension anti cléricale.
Réaction face à la Réforme Grégorienne qui a institué davantage de coupures
entre le clergé et le monde laïc. Un clergé qui se voit souvent reprocher ses
conditions d'existence relativement favorables par rapport à la masse de la
population, un clergé à qui l'on reproche d'avoir oublié le message de pauvreté
sensé être inclus dans le message évangélique, etc.
Cette religion certes sera poursuivie par
l'Inquisition et disparaîtra au début du XIV°, mais elle disparaît en grande
partie parce que l'Eglise apporte une réponse nouvelle, celle des ordres
mendiants. Dominicains et Franciscains viennent combler l'aspiration à la
justice et la pauvreté évangélique, attente d'une partie du peuple chrétien.
Religion influente, elle touchait surtout les
milieux aristocratiques, les femmes plus encore. La majorité de la population
n'y a pas adhéré. Contrairement à ce qu'on prétend en assimilant l'inquisition
à la Gestapo. Cf Biget.
Dimension politique de l'affaire
Le comte de Toulouse, Raymond V, est un des
premiers à s'inquiéter de cette hérésie. Il en fait état dans sa
correspondance. La lutte contre le catharisme, après le meurtre d'un légat
pontifical, devient, dans une large mesure, une affaire politique: occasion pour
les barons du Nord de mener Croisade contre le Midi, occasion pour le souverain
capétien de préparer l'annexion de ces régions au domaine royal.
1213, bataille de Muret, opposant Simon de
Montfort avec les chevaliers du Midi… parmi les alliés de ceux-ci, Pierre II
d'Aragon… qui n'a rien à voir avec le catharisme. L'année d'avant, Pierre II a
participé à la bataille de las Navas de Tolosa contre les musulmans d'Espagne.
Toute lecture réduisant l'affrontement à un
affrontement entre l'Eglise catholique appuyée sur l'Inquisition et les barons
du Nord venus mettre à mal la brillante civilisation courtoise du midi… tout
cela relève d'une représentation largement artificielle. On pourrait également
faire valoir que l'opposition entre un Midi où se développent les troubadours,
où existe une culture de cour raffinée, et puis un Nord qui serait rustique,
barbare, tient difficilement. C'est à cette époque qu'on voit s'élever les
cathédrales, que se rédige le cycle du Graal de Chrétien de Troyes (v.1135-v.1183 ), c'est l'époque des poèmes de
Marie de France (1145-1189); et j'en passe.
Vous voyez, ici aussi, une vision assez
idéologique des choses. Il faut en mesurer l'excessif et l'exclusif.
7 - L'inquisition
Souvent mise en avant pour dénoncer ce MA,
période du fanatisme, d'intolérance.
Le terme tolérance n'a aucun sens à cette
époque. Il en prend un à la fin du XVII°, avec les lettres sur la tolérance de
Locke (John Locke, 1632-1704: Essai sur la
Tolérance, 1667; Lettre sur la Tolérance, 1689) , avec le
dictionnaire philosophique de Pierre Bayle (1647-1706.
Dictionnaire historique et critique, 1697).
Auparavant, cela n'a aucun sens dans le contexte
des représentations collectives de l'époque. On l'a bien vu au XVI°, les
guerres de religions vont, dans la plupart de l'Europe, se terminer sur le
principe: la religion de votre Prince, point final.
L'Edit de Nantes (1598),
qu'on veut nous représenter comme exemplaire, correspond à la prise en compte
d'un rapport de force. Il faut terminer des guerres civiles qui durent depuis
plus de trente ans. Compromis temporaire… Louis XIII (roi
de 1610 à 1643) et Louis XIV (roi de 1643 à
1715) prendront des dispositions contre (dès
1620).
La préoccupation du Salut, à l'époque du Moyen
Age, fait qu'on ne peut imaginer une autre lecture des choses que celle à
laquelle on adhère.
L'inquisition n'est pas un phénomène exclusif du
Midi Languedocien.
Apparue en Rhénanie dès le XII° siècle.
On la voit en Champagne et en Bourgogne.
Certains inquisiteurs de l'époque sont dénoncés
parfois par les évêques eux-mêmes, du fait des excès qu'ils commettent dans
leurs ministères. Certains sont écartés.
On est loin de cette vision d'un auteur anti
clérical du XIX° qui évoque une inquisition ayant des victimes à brûler
quotidiennement… comme si on avait des bûchers fonctionnant en continu, où
s'entassaient les victimes. Image de terreur généralisée qui se serait abattue
sur les populations.
La réalité est évidemment tout à fait différente.
On le voit bien à travers un personnage comme Bernard Gui (le méchant
inquisiteur dans Le nom de la rose, le barbu qui meurt quand son chariot
se renverse). Le véritable Bernard Gui, responsable de l'inquisition à
Toulouse, a laissé des textes qui surprendraient beaucoup les gens; publiés
dans les Cahiers de Fanjeaux (N°16, 1981),
il définit tout un ensemble de normes en matière de justice, d'enquête, de
recoupement d'information, etc. L'inquisition crée une justice moderne,
structurée, par rapport à ce qu'étaient les pratiques anciennes comme
l'ordalie, le jugement de Dieu, etc.
On est loin de l'inquisiteur pervers et vicieux.
L'inquisition, on la connaît assez bien.
Une bonne partie des peines décidées sont
légères: pèlerinage, amende, confiscation de biens.
De peine, il n'y a qu'une fois sur neuf, pour une
affaire engagée.
Les peines de mort sont rares. Ça ne correspond
pas à l'image qu'on en a généralement donné.
Cela vaudra pour l'inquisition espagnole. Je vous
renvoie au livre de Bartolomé Bennassar, L'Inquisition Espagnole, XV°-XIX° siècles.
(2002). Il montre justement les limites de l'institution, et comment
elle était incapable d'assurer l'espèce de contrôle social et religieux,
terroriste, dont on l'a affublée très souvent.
Il faut aussi bien comprendre le contexte de
l'époque, marqué par la préoccupation majeure du salut. L'inquisition
correspond aussi à une demande des fidèles, perçue comme protection et garantie
contre qlq chose perçu comme dangereux pour l'ensemble du peuple des croyants.
Si on n'a pas cette vision des choses, on ne comprend pas grand-chose à
l'institution, et on tombe dans l'anachronisme.
Cette inquisition, porteuse d'obscurantisme,
etc., au moment où elle est crée, en 1231 avec le pape Grégoire IX, le même
pape publie une bulle dans laquelle il accorde une totale indépendance à l'Université
de Paris contre le roi et contre les évêques. Tout ça pour garantir la liberté
de recherche en matière scientifique et philosophique. La vision d'une papauté
de l'époque qui aurait été la championne de l'obscurantisme contre tout effort
intellectuel, c'est infirmé par cette coïncidence chronologique significative.
La sorcellerie
Dans la foulée, on évoque la sorcellerie, et on
affirme souvent des histoires de sorcières victimes de l'inquisition. D'abord,
c'est faux. Ce n'est pas l'inquisition qui s'est chargée des procès de
sorcellerie en France, au XVI° et XVII°. C'est à la première moitié du XVII°
qu'ils atteignent leur intensité maximale. Ce sont les Parlements. Et pas du
tout l'inquisition. De plus, la sorcellerie est une affaire qui est hors Moyen
Age. C'est essentiellement à partir du XVI° que le phénomène se développe. A
partir de la prise de conscience de l'Occident qui entre dans la modernité, la
lutte contre la sorcellerie va exorciser un sacré archaïque qui s'était
maintenu pendant le Moyen Age et avait coexisté pacifiquement avec le
christianisme.
Ces procès de sorcellerie sont un phénomène
moderne. Ils ont été les plus nombreux dans l'Europe du Nord, protestante.
Luther (1483-1546) réclame que l'on brûle
toutes les sorcières.
Paradoxalement, dans l'Espagne catholique qui,
nous dit-on, gémit sous le poids de l'inquisition, il n'y aura pas de procès de
sorcellerie, excepté au Pays Basque, milieu culturel tout à fait particulier.
A mettre en relation avec la Légende Noire sur
l'Espagne, construite à partir du XVI°, à l'époque où l'Espagne était la
puissance dominante. Construite dans l'Europe protestante, Angleterre,
Pays-Bas, cette légende fut relayée au XIX° dans la mesure où cette Espagne du
siècle d'or était perçue comme l'Espagne de la Contre-Réforme catholique, de
l'obscurantisme que Philippe II était censé représenter, enfermé dans son
Palais monastère de l'Escorial.
C'est oublier, tout cela, que le médecin Michel
Servet (1511-1553) fut brûlé… pas par
l'Inquisition, mais par les Calvinistes Genevois (pour
hérésie); oublier aussi qu'au Moyen Age, en Espagne, Averroès, le
célèbre philosophe musulman, est obligé de fuir en Andalousie (exilé en 1197 par son calife, Al-Mansûr), que tout
le courant soufi a été persécuté (par l'orthodoxie
musulmane) et que al-Hallaj a été lui-même brûlé à Bagdad (922).
La lecture unilatérale exclusive d'un MA chrétien
qui serait porteur de toutes ces atteintes à la liberté de pensée, ne rend pas
compte de la réalité.
8 - La condition féminine
Autre préjugé largement répandu à propos du MA.
Celui de la condition féminine, la femme
dépourvue d'âme. Construction intellectuelle banalisée qui ne correspond guère
à la réalité du MA européen.
En effet, du fait de l'héritage germanique et
celtique d'ailleurs, le statut de la femme est, dans une large mesure
supérieur, préférable, au MA, à ce qu'il sera ultérieurement avec le triomphe
généralisé du droit romain. Régine Pernoud a parfaitement mis cela en lumière.
On ne peut pas s'installer dans une vision parfaitement
linéaire selon laquelle, à partir de la barbarie, de l'obscurantisme médiéval,
on aurait progressivement évolué dans le sens d'une émancipation des femmes.
Une multitude d'exemples infirment cette vision.
Celui du rôle joué par les femmes, ne serait-ce qu'en terme politique. Pensez à
une Aliénor d'Aquitaine, une Blanche de Castille.
Il faut aussi rappeler que le progrès du libre
choix des époux accompagne la progression du christianisme. Georges Duby l'a
montré dans son ouvrage fameux Le Chevalier, la Femme et le Prêtre (Le chevalier, la femme et le prêtre : le mariage
dans la France féodale,
Paris, Hachette, 1981). Et cette femme dite sans âme
est baptisée, confessée, communiante, admise à l'Eucharistie, elle a ses
martyrs (Agnès, Blandine, Geneviève, etc.).
Que dire de l'importance spectaculaire que prend
le culte marial à partir du XI°, dans le christianisme occidental; et c'était
déjà vrai en Orient Byzantin.
Le cas de certaines abbesses. Fontevraud (fondé en 1101 par le moine et ermite Robert d'Arbrissel. Quand il décide de reprendre son itinérance, il confie
la direction de l'abbaye à une femme, Hersende de Champagné. C'est un monastère double: hommes et femmes), son "premier abbé" est une femme, Pétronille de
Chemillé,(élue en 1115).
Autre abbesse célèbre, Héloïse, amie d'Abélard,
dirige son monastère en apprenant le grec à ses moniales.
Que dire d'Hildegarde von Bingen (1098-1179), qu'on a redécouverte. Une des lumières
du XII°. Elle dialoguait avec Saint Bernard. Son œuvre musicale, littéraire,
scientifique, fait d'elle une sorte de Léonard de Vinci médiéval (Docteur de l'Eglise, le 7 oct. 2012).
Abbesse Hrotsvita (de
Gandersheim, X° siècle), en pays germanique, écrit des pièces de théâtre
inspirées de Térence (poète comique latin d'origine
berbère, v-190;-159) , qu'elle fait jouer par ses moniales dans le
monastère de Gandersheim.
Abbesse Herrade de Landsberg (1125/30-1195), rédige un Hortus Deliciarum,
encyclopédie un peu comparable au Speculum Mundi de Vincent de Beauvais (1184/94-1264), qui rassemble les savoirs religieux
et profanes.
Durant le MA également, le phénomène des Béguines
qui disposent de la très large autonomie que l'on sait dans les Pays-Bas,
jusqu'au XV°. C'est ensuite que viendra la régression dans ce domaine.
Jeanne d'Arc (v.1412-1431),
difficilement imaginable plus tard, à l'époque moderne.
Les sources notariales, les rôles de la taille,
indiquent qu'elles exercent de manière répandue et indépendante de très
nombreux métiers. Ce qui surprend quand on sait ce qui s'est passé ensuite avec
le triomphe de la modernité à partir du XVI°. On écarte les femmes de toutes
responsabilités dans le fonctionnement de l'Etat, arrêt du Parlement de Paris
1593, à l'exception des régences.
Au MA, les reines sont couronnées à Reims comme
les rois. Il faudra attendre 1610, mort d'Henri IV, pour que Marie de Médicis (mariée à Henri en 1600) soit couronnée à son tour.
On voit bien, aux temps modernes comment, dans une certaine mesure, la favorite
se substitue à la reine.
De manière générale, les femmes de salons des
XVII°-XVIII° sont écartées des responsabilités et de l'influence, et tout cela
atteint son apogée avec la Code Napoléon qui constitue une régression par
rapport à ce qu'était la société traditionnelle. Les femmes ne sont plus maîtresses
de leurs bien propres… il faudra attendre la présidence de Giscard d'Estaing (1974-1981) pour que les femmes mariées disposent
d'un compte en banque indépendant.
9 - Le procès en obscurantisme
Fait au MA. Va à l'encontre de la réalité.
On peut remonter à l'école palatine de
Charlemagne, aux grands intellectuels de la renaissance carolingienne, comme
Hincmar de Reims (v. 806-882).
A partir de l'an Mil, on assiste à un renouveau
culturel spectaculaire. Avec l'essor des écoles monastiques d'abord. Ex:
l'école de l'abbé Lanfranc au Bec-Helloin en Normandie (créée en 1045 par Lanfranc de Pavie, arrivé en 1039 dans le
communauté, et qui en devient prieur. Comme d'autres monastères bénédictins,
l'école est ouverte aux oblats, et aux fils d'aristocrates destinés ou non à
une carrière ecclésiastique. « Centre
intellectuel le plus considérable de la Normandie et même de la France »).
Après les écoles monastiques, les écoles
cathédrales. Ex à Chartres, illustrée par Fulbert (saint.
v. 960-1028. On y apprend la théologie, la médecine, la géométrie, la
philosophie. Fulbert fut un proche d'Hugues Capet et de Robert II).
Plus loin, avec les universités qui se
multiplient à partir du XIII°.
Tout un monde médiéval qui va récupérer
l'héritage antique, et ne l'a d'ailleurs pas complètement perdu. Vous êtes sans
doute au courant de la fameuse polémique autour du livre de Sylvain Gougenheim,
Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines
grecques de l'Europe chrétienne, Seuil,
2008, dans lequel il montrait que l'Occident avait conservé, dans une
très large mesure, l'héritage grec à travers Byzance, avant même d'en avoir
redécouvert une partie importante certes, mais certainement pas tout, à travers
les traductions réalisées en Espagne des textes musulmans inspirés de cet
héritage grec, notamment d'Averroès pour ce qui concernait la pensée
d'Aristote.
En fait, dès le XI°, on voit le roi de Sicile,
Roger II (1095-1154), rassembler tous les
éléments complets de ce qui fera la grande culture médiévale.
C'est vrai avec Frédéric de Hohenstaufen; c'est
vrai en Espagne avec Alphonse X le Sage, de Castille, qui organise ces écoles
de traducteurs à Tolède, pour récupérer ce qui avait été transmis via les
musulmans; on connaît la bibliothèque de Charles V Le Sage (1338-1380) à Vincennes.
Souci du savoir, de rassembler des livres, les
connaissances existantes.
Outre les philosophes bien connus qui se penchent
sur l'héritage d'Aristote: Albert le Grand (v.1193-1280),
Thomas d'Aquin (1224/25-1274), Bonaventure (1217/21-1274).
On a, dès le MA, toute une pléiade de philosophes intéressants: Roger
Bacon (1214-1294. Surnommé le Docteur
Admirable),
spécialiste de l'optique; le catalan Raymond Lulle (v.
1232-1315) en même temps chimiste et alchimiste. Albert le Grand, aussi
spécialiste de l'acoustique. Hildegarde de Bingen, grande savante en matière de
botanique et pharmacie; Robert Grossetête (v.1175-1253)
à Oxford, mathématicien.
Ce monde médiéval, théoriquement replié sur
lui-même, est celui qui va opérer les premières étapes du décloisonnement du
monde qui se déploie à partir du XVI°. On voit ainsi le MA Européen, avec les
atlas catalans, réaliser les premières représentations du monde sur le plan
territorial du terme. On voit un certain nombre de gens voyager fort loin de
l'Europe. Au XIII°, les franciscains Plan Carpin (Jean
de Plan Carpin, v.1182-1252) et Guillaume de Rubrouck (1215-1295) vont aller rencontrer le souverain
mongol. Plus tard, Odoric de Pordenone (v.1286-1331.
Franciscain) ou Marco Polo (1254-1324)
qui vont jusqu'à Pékin. André de Longjumeau (v.1200-v.1271.
Dominicain) va établir un évêché en Chine. Jean de Béthencourt (1362-1425) qui va découvrir les Canaries. Le
toulousain Anselme d'Isalguier va jusqu'au Mali et au Soudan (v 1412), non loin de Tombouctou.
Seule la Chine des Mings a réalisé un effort
comparable, vers l'Océan Indien, mais sur une période très limitée.
L'Europe médiévale prépare donc les grandes
expéditions portugaises ou espagnoles.
Le seul équivalent est la présence à Paris, sous
Philippe le Bel (roi de 1285 à 1314), d'un
ambassadeur chinois. Pour le reste, c'est dans l'autre sens que se fait le
décloisonnement du monde.
Ce MA a donc préparé très largement la naissance,
l'émergence de la modernité, telle qu'elle va s'imposer à partir du XVI°.
MA qui ne correspond pas du tout à l'image extrêmement péjorative et
dévalorisante qui est souvent donnée de lui.
(fin de la
conférence)
J’ajoute ici quelques références (liens vers Amazon) d’ouvrages en
lien avec les thèmes abordés :
- Visions
successives du MA (Moyen Age)
- Débat
relatif / dates de la période
- Image
misérabiliste
- Société
féodale
- Croisades,
catharisme, inquisition
L'inquisition en France, enquête
historique : France, XIIIe-XVe siècle de Didier
Le Fur (livre
recommandé par Jean Sévillia ; m’a à moitié convaincu, l’auteur semble mal
appréhender ce qu’est l’Eglise)
- Femme et
condition féminine
- Procès
d'obscurantisme fait à cette période
Aristote au mont Saint-Michel : Les
racines grecques de l'Europe chrétienne de
Sylvain Gouguenheim (6 mars 2008)
* * *
La
musique d’Hildegard von Bingen (de
nombreux disques de bonne qualité) :
Von Bingen : Hortus Deliciarum
(Chants Grégoriens du XIIe siècle) de Brigitte Lesne, Hildegard von Bingen, Herrad von
Landsberg et Discantus
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